Le Grand Paris Express

Prévu pour durer une dizaine d'années, le projet du Grand Paris Express mobilise d'ores et déjà plus de 2 000 entreprises et plusieurs milliers de salariés sur les chantiers d'Île-de-France. Son objectif est de doubler le réseau de transports en commun franciliens : plus de kilomètres de métro vont être construits en 10 ans qu'il n'y en a eu depuis 120 ans. De nouveaux quartiers vont également voir le jour dans le cadre de ce projet. La nature des travaux, leur environnement, les défis techniques rencontrés, le gigantisme du projet et les délais parfois réduits, imposent une maîtrise stricte des risques professionnels dès la conception puis tout au long des travaux. Un enjeu qui mobilise tous les acteurs.

C'est le chantier du siècle. Un projet titanesque qui va mobiliser les acteurs du BTP pour les dix années à venir - au moins. En créant de nouvelles lignes de transports en commun de banlieue à banlieue, le Grand Paris Express (GPE) va transformer la physionomie de l'Île de France et le quotidien des Franciliens. Le réseau actuel, d'environ 200 km, va être doublé, majoritairement dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. En parallèle sont prévus 140 km2 de nouveaux quartiers - à raison de 70 000 logements par an - ainsi que 78 nouvelles gares et 7 centres techniques. Ce projet équivaut à la construction d'une ville d'un million d'habitants. Il mobilise un nombre impressionnant d'acteurs : maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre, bureaux d'ingénierie, architectes, aménageurs, entreprises - des multinationales aux PME - coordonnateurs en sécurité et protection de la santé (CSPS), industriels, fabricants de matériels et d'équipements, entreprises d'exploitation des futures infrastructures... La fédération régionale des travaux publics a évalué les besoins à 12 000 emplois par an pour le génie civil et 6 000 emplois par an pour les infrastructures et le matériel roulant.

Maîtriser les risques

La nature des travaux, les espaces urbains très contraints qui imposent des défis logistiques, la pression des délais, parfois réduits avec l'organisation des Jeux Olympiques de 2024, les difficultés de recrutement qui impliquent de faire appel à une part importante d'intérimaires... sont autant d'éléments qui contribuent à créer des situations de travail potentiellement dangereuses. La maîtrise des risques est dès lors une priorité des trois maîtres d'ouvrage : la société du Grand Paris (SGP), la RATP et la SNCF.

Face au gigantisme du projet, au nombre d'intervenants, aux défis techniques que représentent certaines opérations, les acteurs en prévention se mobilisent pour organiser une prévention efficace et durable à cette échelle inédite.

Tunneliers

Sur les 200 km de voies ferrées à construire, 90 % seront souterraines. De tels travaux se déroulent dans des contextes particuliers, faisant appel à des consignes de sécurité bien spécifiques.

Une vigilance particulière a été demandée sur certaines sources de pollution de l'air dans les espaces souterrains. Les flux d'air neuf doivent ainsi être adaptés au nombre d'engins fonctionnant simultanément. Une technique comme la projection de béton à sec a été remplacée par du béton projeté par voie humide. Certaines opérations de soudage ont été substituées par du boulonnage. Les sources de bruit ont aussi fait l'objet d'actions, notamment par l'acquisition d'outils électriques, moins bruyants et moins polluants que les moteurs thermiques.

Sur un des lots de la ligne 14 sud, le tunnelier à pression de terre, baptisé Claire, présente la particularité d'avoir déjà servi pour creuser un tronçon de la ligne 14 au nord de Paris entre 2015 et 2018. À l'époque, la Cramif avait demandé le renforcement de certains éléments de protections collectives : réhaussement des garde-corps au niveau de la passerelle érectrice, ajout d'échelons pour que les opérateurs puissent descendre sans risque près des voussoirs, pose de garde-corps à l'arrière du train suiveur pour permettre la fixation des ventilations. Au terme du creusement de la partie nord de la ligne, le tunnelier a été démonté pièce par pièce. Tous les éléments ont ensuite été reconditionnés. Un montage à blanc a été réalisé sur le site de Thiais, le point de départ du nouveau chantier.

Pendant huit mois ont eu lieu des tests, des corrections, des aménagements. Cela s'est fait directement sur site, ce qui est rare, car le plus souvent cela se déroule en atelier. Les améliorations en sécurité déjà réalisées ont ainsi été définitivement adoptées.

Innovations techniques

Les chantiers du GPE sont aussi l'occasion d'innovations, à grande et à plus petite échelle, pour améliorer les conditions de travail. Pour la première fois en France, un tunnelier vertical, nommé VSM (pour vertical shaft sinking machine) est mis en oeuvre sur certains lots de la future ligne 15 sud, entre la gare souterraine de Fort d'Issy - Vanves - Clamart et la future gare de Villejuif - Louis Aragon. Cet engin est utilisé pour creuser des puits d'une quarantaine de mètres de profondeur et de diamètres variant de 8,80 à 11,90 mètres. Il s'agit d'ouvrages annexes qui abriteront des éléments techniques comme des gaines de ventilation et serviront d'accès aux secours.

Puits et machine composent ici un ensemble : le VSM repose sur les parois du puits grâce à trois bras fixes. Au bout d'une tête mobile tourne une fraise qui excave le terrain de façon radiale. Cette opération se fait sous l'eau, pour faciliter l'aspiration des déblais. Creuser en maintenant les terres inondées supprime les émissions de poussières, il n'y a donc plus d'exposition à ce risque. La technique ne nécessitant plus de présence humaine au fond du puits, il n'y a donc plus de personnes physiquement exposées. Et plus besoin non plus de ferraillage, ce qui supprime les manutentions d'aciers et l'exposition aux fumées de soudage.

Parallèlement à de telles innovations techniques, des aménagements plus modestes ont aussi leur place sur les chantiers. Sur un lot de la future ligne 16, un outil de percement a été aménagé pour réduire la pénibilité. Installé sur un rail ajustable en hauteur, manipulé par un bras de levier, cet ingénieux dispositif a été développé entre le fabricant, et l'entreprise mandataire. Au total, 5 000 trous étaient nécessaires ici pour fixer des aciers. L'opération de creusement s'avèrait physiquement sollicitante pour les opérateurs. Avec ce système, ces derniers ont pu forer jusqu'à 250 trous par jour - d'un diamètre de 25 mm et de 270 mm de profondeur - avec grande aisance. Ce dispositif améliore en effet les conditions de travail par rapport à une méthode traditionnelle. Il limite les vibrations des bras et supprime les émissions de poussières, un aspirateur étant branché directement sur l'outil pour capter les émissions à la source.

Deux documents de référence ont spécifiquement vu le jour dans le cadre du GPE : un guide Travaux souterrains (DTE 266) et un guide Conception, exploitation et entretien d'une gare (DTE 278).

Le document « DTE 266 - Travaux souterrains » s'adresse aux maîtres d'ouvrage, aux coordonnateurs SPS, aux maîtres d'oeuvre associés et aux entreprises. Il définit un socle d'exigences minimales en matière de prévention des risques en milieu souterrain. Il aborde : les cantonnements et les bureaux de chantier, les plates-formes de livraison et d'évacuation en surface, les accès aux postes de travail et les cheminements piétons, la ventilation et l'éclairage dans les ouvrages souterrains.

Le second document « DTE 278 - Conception, exploitation et entretien d'une gare », s'adresse également aux maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre associés et CSPS. Il dresse des recommandations en matière de prévention des risques lors de la conception, l'exploitation et l'entretien d'une gare. Parmi les thématiques traitées : les accès et les déplacements, les locaux, les toitures de gare, la maintenance et le nettoyage, la sûreté et l'affichage publicitaire.

Ont pris part à la rédaction de ces documents la Cramif, la Direccte, l'OPPBTP et plusieurs syndicats professionnels. Cette ingénierie de prévention fournit aux donneurs d'ordres des préconisations à intégrer dès la conception sur des sujets aussi variés que les chutes de hauteur, les moyens de levage, l'accessibilité...

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