Le Sénat veut "garantir et renforcer l'indépendance du médecin du travail"

Classé dans la catégorie : Institutionnels

A partir de demain, les sénateurs examineront, en première lecture, la proposition de loi sur l'organisation de la médecine du travail. Le texte, remanié par la Commission des affaires sociales veut redonner toute sa place au médecin du travail et à l'équipe qu'il coordonne pour établir les priorités de travail tout en assurant leur indépendance.

En novembre dernier, le Conseil constitutionnel avait dissocié le projet de loi sur l'organisation de la médecine du travail de celui sur les retraites. Le texte repris à l'identique a donc été représenté. Il sera examiné en séance plénière au Sénat demain. Mais déjà, la commission des affaires sociales du Sénat y a apporté quelques modifications allant dans le sens réclamé par les syndicats de médecins.

Les apports de la proposition actuelle

La commission des affaires sociales, dans son rapport, souligne les avancées qu'introduit ce texte : définition des missions des services de santé au travail, renforcement de la prise en compte des avis rendus par les médecins du travail, introduction de paritarisme dans la gouvernance des services de santé. Cependant, il relève aussi que ce texte n'est qu'un début et que la réforme devra comprendre des dispositions réglementaires plus précises et un renforcement de l'attractivité de la médecine du travail.

Redonner une place centrale au médecin

La Commission a voulu redonner toute sa place au médecin du travail en adoptant un amendement qui prévoit que les missions des services de santé au travail sont assurées "par les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire" (et non plus par "une équipe pluridisciplinaire comprenant les médecins du travail") et précisant que "les médecins du travail coordonnent l'équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions".

Le retour de la commission médico-technique

La Commission a ajouté un article qui officialise les organes de contrôles des services de santé. Il érige ainsi en organe officiel la commission médico-technique et lui donne la charge de formuler des propositions relatives aux priorités du service. On lui confie le soin d'élaborer le projet de service pluriannuel - ce qui entérine la pratique actuelle et évite de créer une nouvelle commission de projet. A l'automne les différents acteurs s'inquiétaient en effet de la possibilité que ce ne soit plus les médecins et autres praticiens qui fixent le projet de service mais que cette tâche revienne au conseil d'administration.

Officialisation des organes de contrôles

Tout comme le conseil d'administration est désormais décrit dans la loi, la commission a jugé bon de faire de même avec les organes de contrôle. Ils sont ainsi définit : "L'organisation et la gestion du service de santé au travail sont placées sous la surveillance :

  • Soit d'un comité interentreprises constitué par les comités d'entreprise intéressés ;
  • Soit d'une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés."

Ils sont notamment sollicités sur les finances du service, sa compétence géographique, les créations, modifications ou suppressions de secteurs géographiques, la création ou suppression d'emploi de médecin du travail et d'IPRP (CDD, licenciement etc.).

Les missions ne se résument pas au contrat d'objectif et de moyens

Parmi les critiques portées contre le projet de réforme de l'automne 2010, le passage à une contractualisation des missions des services n'était pas la moindre. Afin d'alléger cet aspect de la loi, la commission sénatoriale a tenu à séparer "les missions générales des services de santé au travail" des contrats d'objectifs et de moyens conclus avec l'Etat et les caisses de sécurité sociale. Le rapport précise que ces contrats "doivent permettre la mobilisation des équipes sur des sujets dont l'importance fait l'objet d'un constat partagé", mais "ils ne pourront servir en aucune façon à restreindre l'action des services de santé au travail, qui resteront libres de prendre des initiatives."

Garantir les contrats des médecins du travail

La commission sénatoriale a aussi ajouté plusieurs articles encadrant les ruptures de contrat des médecins du travail afin "d'éviter des transferts constituant des sanctions déguisées à l'égard de médecins du travail". Ainsi, il est prévu qu'au même titre que pour un licenciement, la rupture conventionnelle (CDI ou CDD) soit soumise à autorisation de l'inspecteur du travail. Pour les CDD, l'employeur devra saisir l'inspecteur du travail un mois avant l'arrivée du terme et ce dernier devra vérifier avant la date du terme du contrat que la rupture n'est pas en lien avec l'exercice des missions de médecin du travail et qu'elle ne constitue pas une mesure discriminatoire. Les mêmes vérifications s'imposeront lors d'un transfert de médecin du travail compris dans un transfert partiel de service de santé au travail.

La gouvernance fait toujours débat

La commission sénatoriale n'est pas revenue cette fois sur la gouvernance proposée par la proposition de loi (alors qu'elle l'avait fait à l'automne) jugeant "équilibré le résultat des travaux de la commission mixte paritaire qui laisse en dernier ressort une voix prépondérante au président du conseil élu parmi les représentants des entreprises adhérentes". Précisant que "cette règle découle naturellement des modalités de financement des services de santé, assuré exclusivement par les cotisations des entreprises adhérentes". Les syndicats CGT et CFDT continuent d'affirmer, dans une lettre envoyée aux sénateurs, que cette "organisation paritaire avec une présidence revenant obligatoirement à un employeur est une incongruité doublée d'une aberration".

Une mission explicite en matière d'addiction

La Commission a par ailleurs introduit une mission spécifique en matière de prévention de la consommation d'alcool ou de drogues sur le lieu de travail pour les services de santé au travail. Estimant que ces questions sont "trop souvent taboues au sein des entreprises" et que "les services de santé au travail "peuvent contribuer à changer cet état de fait".

Documents joints (soumis à enregistrement) :

 

 

Auteur : Par Sophie Hoguin, actuEL-HSE

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