Un travail sous haute tension - #balancetonrisque

Classé dans la catégorie : #balancetonrisque

L'analyse de l'expert

JEAN-MICHEL CURT" Il s'agit d'une opération de travail sous tension (TST) aux USA semble-t-il. L'installation semble chargée (passage du courant HT) compte tenu de l'arc électrique.

C'est très dangereux car il aurait fallu au préalable couper cette charge en aval de manière à avoir uniquement la tension mais pas de courant.

De plus les personnes sont mal protégées : Pas de gants isolants, pas d'écran facial, etc... Tout le contraire de ce qu'on préconise en France. Spectaculaire mais à proscrire. "

Auteur : JEAN-MICHEL CURT, Cogérant d'entreprise - Expert et formateur en réseaux électriques - Expert de justice près la Cour d'appel de Chambéry.

Seconde analyse

Fabien Ricci"Il y a de la tension dans l’air !

Quelle difficulté de commenter une situation à risque d’une vidéo étrangère sans connaître les dispositions légales et techniques locales.

Téléportons-nous donc dans une situation similaire dans le plus beau pays du monde : La France !

Pays de lois, de décrets, d’arrêtés, de normes et de jurisprudence.

Cette situation présente plusieurs sources de danger :

  1. La hauteur
  2. La présence (supposée) d’électricité (pour les connaisseurs de la chose il semble que le réseau soit de la distribution basse tension à environ 230/380V)
  3. La pression psychologique du groupe.

L’exposition à ces sources de danger génère l’apparition des risques suivants :

  1. La chute de hauteur d’un des deux opérateur (ou des deux) via l’utilisation d’une plateforme élévatrice mobile de personne (PEMP ou « nacelle ») à double panier
  2. L’électrisation
  3. L’électrocution
  4. Les brûlures résultant d’une traversée de courant électrique
  5. La mort par crise cardiaque résultant d’une traversée de courant électrique
  6. La naissance d’un feu et la mise sous tension de la PEMP en cas de bouclage électrique et de contact à la masse

Quand on regarde cette vidéo, on pense tout de suite au risque électrique. Les mots suivants peuvent nous venir en tête : « éclairs » (pour mon fils de 11 ans), « haute tension », « arc électrique », « isolation », « mort », « brûlures », « Frankenstein et la créature ».

Puis vient une analyse plus fine par rapport aux sources d’exposition aux dangers et à l’efficacité des mesures de prévention déployées pour cette intervention.

Néophyte sur les protocoles de consignation et d’intervention sous tension des réseaux aériens de transport et de distribution électriques, il semble que ces opérateurs déposent une boucle de liaison (ou pont d’ancrage), ouvrant le réseau électrique, et coupant ainsi le courant.

Les assiettes (ou coupelles en céramique) permettent d’isoler le poteau du courant électrique.

La boucle de liaison permet de réaliser la continuité du réseau de part et d’autre du poteau pour le transport de l’électricité.

En France, pour intervenir sur de telles installations, plusieurs habilitations et compétences doivent êtres détenues :

  1. L’A.I.P.R (pour autorisation d’intervention à proximité des réseaux) plusieurs niveaux existent (concepteur, encadrant, opérateur). L’AIPR ou l’obligation de compétences pour les personnels intervenant à proximité des réseaux est applicable depuis le 1er janvier 2018. Dans le cadre de la réforme « anti-endommagement », cette mesure vise à réduire les risques ainsi que les dommages aux réseaux aériens ou enterrés qui peuvent survenir lors de travaux sur ou à proximité des dits réseaux.
  2. L’habilitation électrique (en fonction du domaine de tension, de l’activité à réaliser, du rôle dans le processus de préparation de l’intervention, de réalisation des travaux et de remise en service). L'habilitation électrique est la reconnaissance par un employeur de la capacité d'une personne à accomplir des tâches fixées en toute sécurité dans le domaine de l'électricité. Cette habilitation est régie par la norme NF C18-510 en France. Avant d'être habilité, le travailleur doit avoir été formé et déclaré apte par le médecin du travail. L'habilitation est obligatoire pour tout travailleur effectuant des opérations électriques ou non électriques dans les entreprises. Elle n’est valable que pour une entreprise et doit être signée par le chef d’entreprise et le salarié concerné. Ce dernier doit l’avoir en sa possession en permance.
  3. L’autorisation de conduite en sécurité délivrée par l’employeur à la suite de l’obtention d’un CACES (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité). Le CACES, est une sorte de permis de conduire qui, après son obtention, vous autorise à pouvoir conduire des engins de chantiers ; grue auxiliaire, chariots élévateurs, nacelle, PEMP, etc.

Tous ces « permis de travailler » vont non seulement attester de votre capacité à réaliser les opérations confiées mais permet également de réduire les risques d'accidents de travail liés aux tâches et environnement spécifiques.

Nos opérateurs disposent-ils d’équivalences ?

En tout cas, certains travers ressortent après 3 ou 4 visionnages de cette vidéo :

  • Le risque de chute d’objet : les perches ne sont pas arrimées au cas où cette dernière échappe des mains d’un opérateur
  • Les équipements de protection individuelle semblent incomplets, au niveau :
    • Des mains, du fait de l’absence de gants d’électricien adaptés au domaine de tension et de gant de manutention en « surgant » pour éviter la rupture d’isolement
    • De la tête, par le port d'un casque sans un écran facial anti UV (sécurité du visage et des yeux).
    • Des pieds, par le port de chaussures de sécurité (au bénéfice du doute ils en porte)
    • Du corps, par l’absence de port d’un tablier isolant du fait du port de harnais contre les chutes qui lui n’est pas antistatique et isolant.
  • L’absence de consignation électrique complète :
    • S’ils ont certainement réalisé les étapes de séparations (ils coupent le courant), de condamnation (on empêche de remettre le courant en « cadenassant l’interrupteur » afin que n’importe qui ne puisse pas agir), d’identification du réseau sur lequel intervenir (ce ne serait pas le moment de couper le mauvais fil : « le rouge ou le bleu ? »), de vérification d’absence de tension avec un dispositif idoine, il semble manquer une ultime étape qu’est la mise à la terre ou le court-circuit afin de « décharger » le réseau de la présence de tension résiduelle ayant généré ce bel « éclair » dont nos opérateurs en l’air et au sol semblent si fiers.
  • L’absence de préparation totale de l’intervention avec un passage de perche hasardeux, alors que la PEMP est équipée d’un « porte perche » (il y en a d’ailleurs deux de couleur rouge en place) et que chacun aurait pu disposer d’un équipement permettant de sectionner le pont d’ancrage
  • La pression sociale du groupe au début de la vidéo. Les « cris » poussés par les personnes au sols peuvent apparaîtres stimulantes (comme des encouragements), mais peuvent également traduire une incitation à la prise de risque. On parle souvent de pression verticale par la hiérarchie, mais il ne faut pas oublier la pression horizontale des pairs, de l’équipe (qui par ailleurs dispose également d’une hiérarchie propre).

Il y a cependant des points favorables dans cette situation :

  • Une vigie au sol permettant d’effectuer les manœuvres de sauvetage le cas échéant et qui sécurise le périmètre d’intervention
  • Le port d’EPI contre les chutes
  • Le domaine de tension qui permet même à faible distance de rester dans une zone limite de voisinage simple ou le risque d’amorçage est le plus faible.
  • Une intervention un jour de beau temps, sans brouillard et sans pluie. Pour rappel, l’eau est conductrice et la forme de « gouttelette » extrêmement favorable à la propagation d’un courant et la génération de courts-circuits du fait de l’augmentation de la surface exposée à l’échange ionique.

Mon analyse se termine ainsi.

Je ne sais pas si j’ai tout vu, si d’autres experts souhaitent compléter mes propos ce sera avec joie et curiosité que je me nourrirais de leurs savoirs."

Le concept #balancetonrisque

Le concept #balancetonrisque est un partage à visée pédagogique créé par Inforisque. Tous les jeudis, retrouvez dans la lettre du risque une vidéo commentée et analysée par un expert HSE.

Les derniers produits des risques professionnels