Des experts de la Commission veulent soustraire les petites entreprises à l'évaluation des risques

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Un groupe d'experts, désigné par la Commission européenne pour promouvoir la campagne de dérégulation intitulée "meilleure réglementation", propose dans un avis de permettre aux petites entreprises de ne plus élaborer de document sur l'évaluation des risques.

L'avis, adopté le 28 mai, est consacré principalement à la directive-cadre de 1989 sur la santé et la sécurité au travail et à la directive sur les chantiers mobiles et temporaires. "Une telle proposition affaiblirait de façon considérable la mise en place d'une gestion systématique des problèmes de santé et de sécurité dans les petites entreprises", a réagi Laurent Vogel, le directeur du département Santé et Sécurité de l'ETUI. Son analyse rejoint celle de la direction générale Affaires sociales de la Commission qui s'était déjà exprimée dans le passé contre une telle proposition.

La composition du groupe d'experts, rebaptisé "groupe Stoiber" en référence à l'ancien ministre-président conservateur du Land de Bavière qui en assure la présidence, a été fixée de manière à assurer une majorité automatique aux points de vue dérégulationnistes les plus radicaux.

Pour la majorité du "groupe Stoiber", l'obligation de gérer la santé au travail en traitant, conservant et communiquant des informations importantes représenterait un "fardeau administratif" pour les entreprises. D'après l'avis, plus de 90 % des dépenses faites par les entreprises pour la mise en oeuvre de la directive-cadre pourraient être évitées en l'absence de législation. Le texte adopté préconise également de réduire d'environ 20 %, en nombre ou en durée, les inspections sur les lieux de travail. Pour l'évaluation des risques, il propose une réduction de l'ordre de 30 %. Il considère également que l'obligation de faire un rapport sur les accidents du travail aux autorités compétentes est à l'origine de dépenses excessives et préconise des réductions qui pourraient aller jusqu'à 100 % du temps qui est actuellement consacré à cette obligation.

"L'avis n'explique pas ce que pourrait être une obligation à temps zéro ! Les propositions concernant la directive sur les chantiers mobiles et temporaires partent des mêmes préjugés et ne sont guère plus sérieuses", commente Laurent Vogel.

L'avis du "groupe Stoiber" repose en grande partie sur des estimations préparées par un consortium composé des sociétés Capgemini, Deloitte et Ramboll Management. Ce consortium a obtenu de la Commission un contrat d'un montant considérable pour mesurer les coûts d'une série de directives dans treize domaines différents et pour formuler des recommandations. L'utilisation de ce consortium pose un problème politique majeur. Les données définitives n'ont pas été rendues publiques, pas plus que des informations détaillées sur la méthodologie suivie. Des chiffres fournis par quelques interviews, menées dans quelques pays, ont été extrapolés sur des bases arbitraires. Les estimations ont connu des variations importantes et inexpliquées d'une version à l'autre des documents. Les quelques documents qui circulent témoignent d'une analyse superficielle et d'une grossière méconnaissance du contenu des directives et des situations nationales. Par exemple, le consortium considère que la déclaration d'un accident du travail prend en moyenne 1.400 minutes en Roumanie contre 5 minutes en Suède.

Un débat démocratique est indissociable d'une nécessaire transparence sur la manière dont des données sont élaborées et de la possibilité de soumettre ces données à une analyse critique. En principe, le consortium était tenu de rendre public son rapport pour la fin 2008, de manière à ce que le débat politique puisse avoir lieu en 2009. Ce calendrier n'a pas été respecté. Le "groupe Stoiber", ainsi que certains secteurs de la Commission, présentent les allégations du consortium comme des données alors même que des doutes sérieux pèsent sur les conditions dans lesquelles elles ont été produites.

"Il est indispensable que la Commission apporte une pleine clarté sur les conditions dans lesquelles le consortium a travaillé. C'est une exigence élémentaire pour qu'un débat démocratique ait lieu sur l'utilisation de données à des fins de propagande dans des conditions qui ont coûté très cher au budget de l'Union européenne", conclut le directeur du département Santé et Sécurité de l'ETUI.

Auteur : HESA

Les derniers produits des risques professionnels