Pourquoi est-ce légitime de parler “addiction” au travail ?

La question des addictions a-t-elle sa place au travail ? En quoi est-ce approprié que votre entreprise se saisisse du sujet ? Quelle que soit l’approche, l’angle par lequel est abordée la question, il est possible de tisser des liens entre travail et addictions qui font de ce sujet, un sujet légitime à interroger dans la sphère professionnelle. Par bien des aspects, nous allons voir que le monde du travail a même un rôle important à jouer dans les différents niveaux de prévention des pratiques addictives.

Le travail, un lieu où santé et sécurité doivent être assurées

Un facteur qui peut majorer les autres risques professionnels

Les pratiques addictives désignent l’ensemble des comportements ou consommations qui peuvent engendrer une dépendance. L’addiction va se caractériser notamment par un besoin irrépressible de consommer et/ou de réaliser certains comportements (consulter notre guide des addictions pour aller plus loin). Est-ce opportun de discuter de ces comportements, consommations dans le cadre professionnel ? Spontanément les liens entre le travail et l’usage de drogues activent généralement des idées reçues, des stéréotypes, où une approche individualisante prime. À priori donc, ces questions relèvent plutôt de problématiques individuelles, sans rapport avec le monde du travail. Alors, est-ce vraiment le lieu pour en parler ?

Quelle que soit la pratique addictive ou l’addiction concernée, la consommation répétée d’un produit ou la pratique excessive d’une activité présentent des risques physiques et psychiques à court, moyen et long termes ainsi que des risques sociaux qui peuvent avoir des répercussions plus ou moins graves dans le cadre privé ainsi que professionnel. Notamment pour la santé et la sécurité des salariés, dont l’employeur est le garant au regard du Code du travail (articles L4121-1 à L4121-5). En effet, les pratiques/conduites addictives constituent des facteurs aggravants des autres risques professionnels. Ainsi, 20 % des accidents de travail seraient imputables à la consommation de substances psychoactives. Ces substances viennent modifier le fonctionnement biochimique de notre cerveau. On peut distinguer trois principaux effets sur notre système nerveux central :

  • Un effet dépresseur (comme l’alcool, la codéine ou les anxiolytiques)
  • Un effet stimulant (comme la nicotine, la cocaïne ou les antidépresseurs)
  • Un effet perturbateur (comme le cannabis).

Tout le monde sait que tel collègue, nommons-le Hervé, a des “problèmes avec la boisson”, mais personne n’en parle vraiment : « ceci ne nous regarde pas », « qu’est-ce que nous pourrions y faire ? », « comment aborder la question avec lui ? ». Ce type d’addiction concerne en fait plus de 10 % des Français. Ainsi, statistiquement dans une équipe de dix personnes au moins l’une d’elles souffre du même problème qu’Hervé. Prenons une autre substance addictogène : 6% des actifs consomment du cannabis au moins une fois par semaine d’après les résultats de la dernière enquête cohorte Constances (mars 2021).

En prenant le sujet sous un angle individuel, médical ou juridique, parler des pratiques addictives et des addictions au travail et former la ligne managériale apparaît légitime, pour repérer, alerter, orienter et accompagner les salariés en difficulté, à un niveau de prévention tertiaire et ainsi assurer la sécurité et la santé de l’ensemble des équipes.

Le travail, un lieu sans liens avec les pratiques addictives ?

Prendre un verre ou fumer un joint après une journée éprouvante au travail, pour décompresser, se vider la tête ; prendre des anxiolytiques pour gérer un niveau de stress élevé, des somnifères pour trouver le sommeil durant cette période particulièrement intense ; prendre des antalgiques puissants pour atténuer les douleurs physiques, faire que le corps suive la cadence… De tout temps, les substances psychoactives ont fait partie de la vie des êtres humains. Une personne consomme des psychotropes pour ses effets, les ressources qu’elles peuvent lui apporter. Plusieurs fonctions à leur consommation ont été distinguées :

  • diminuer l’insatisfaction (potentiel thérapeutique, médicinal) ;
  • augmenter sa satisfaction (potentiel hédonique, récréatif) ;
  • participer à des rites religieux et/ou culturels (potentiel social).

Le travail, un lieu pour débattre de l’activité quotidienne

La question des consommations est souvent abordée sous l’angle de facteurs externes à l’organisation du travail, sous un prisme médical, en terme de gestion des troubles qui y sont associées, ou encore sous des aspects réglementaires, juridiques. Cela empêche de débattre de l’activité de travail même. De la façon dont les employés s’adaptent, font face aux aléas du quotidien, avec les ressources dont ils disposent, qui leur sont proposées, et qu’ils créent, alors même que ce débat peut constituer un levier pour développer la santé de ceux qui travaillent

Au travail, plusieurs facteurs dits psychosociaux, qui sont interreliés entre eux, peuvent avoir un impact sur notre santé :

  • l’intensité du travail (horaires, charge)
  • les relations avec les collègues, les hiérarchiques
  • les exigences émotionnelles
  • la stabilité/précarité de son métier/emploi dans l’organisation
  • les marges de manœuvre, degrés d’autonomie
  • les conflits de valeur, la qualité empêchée

Ces six grandes familles de facteurs sont communément rassemblées sous le vocable de RPS, pour risques psychosociaux. Ces différents facteurs de risques qui trouvent leur origine dans l’organisation et les conditions de travail peuvent jouer un rôle important dans le processus qui mène à l’addiction. La sphère professionnelle a donc tout à gagner à la mise en œuvre d’une politique de prévention primaire des pratiques addictives et à agir le plus en amont possible des risques, donc sur les facteurs de risques liés à l’organisation du travail. Parler des addictions offre une voie pour progresser en santé et sécurité au travail. Lire la suite ...

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