Technologies d'assistance physique : les exosquelettes

Les nouvelles technologies d'assistance physique, dont font partie les exosquelettes, sont prometteuses pour améliorer les conditions de travail, notamment réduire la charge physique et les troubles musculosquelettiques (TMS). Les entreprises sont nombreuses à s'y intéresser. Mais les exosquelettes ne constituent pas la solution miracle. Leur usage soulève de nombreuses questions de santé et de sécurité. Trouver le dispositif adapté à l'opérateur et à la tâche pour laquelle il est envisagé n'est pas simple. De la définition du besoin d'assistance physique à l'intégration en situation réelle, une démarche structurée est indispensable.

On assiste à un renouveau de la demande de technologies d'assistance physique dans l'industrie. Au cours des dernières années, les entreprises ont robotisé bien des situations pour lesquelles l'environnement de travail était paramétrable. Une automatisation qui atteint cependant ses limites car il subsiste, en particulier dans les PME, des situations insuffisamment standardisées ou des petites productions pour lesquelles l'humain reste indispensable. Pour certaines d'entre elles, les opérateurs sont exposés à des charges physiques importantes pouvant engendrer des troubles musculosquelettiques (TMS). Dans ce contexte, et celui d'une mutation globale du monde du travail, les entreprises s'intéressent de plus en plus aux exosquelettes.

Un exosquelette est un dispositif mécanique ou textile revêtu par le salarié apportant une assistance physique dans l'exécution d'une tâche, par compensation des efforts, augmentation de la force ou des capacités de mouvement. Suivant les cas, cette assistance se porte sur les membres supérieurs, le dos, les membres inférieurs ou le corps entier. De l'automobile au ferroviaire, en passant par le BTP ou le monde agricole, le sujet passionne, chacun espérant combiner réduction des TMS et gain de productivité.

De l'homme augmenté à l'homme préservé

La première tentative sérieuse de fabrication d'un exosquelette remonte aux années 1960. Le Hardiman de General Electric devait démultiplier la force de l'utilisateur et lui permettre de lever des charges de près de 700 kg. Mais les obstacles techniques rencontrés ont mis fin au rêve. Les développements ont ensuite principalement concerné le secteur médical, avec les exosquelettes de réhabilitation, ainsi que la Défense. Aujourd'hui, le fantasme de l'exosquelette de science-fiction, lourd et imposant, visant à créer un homme « augmenté » s'efface peu à peu, au profit de la recherche de dispositifs permettant avant tout de préserver le travailleur et de réduire sa fatigue. On s'oriente vers des dispositifs plus souples et respectueux de la physiologie humaine. Si la technologie a évolué vers des systèmes robotisés, de réels enjeux d'amélioration subsistent, liés notamment au contrôle par l'opérateur et au respect des intentions motrices. Une trentaine d'exosquelettes destinés au monde professionnel sont actuellement disponibles dans le commerce. Le plus souvent, leur intégration dans l'entreprise se fait en tâtonnant, à partir de prototypes ou de versions à parfaire.

Points de vigilance

Aujourd'hui, les premières études expérimentales tendent à démontrer que les exosquelettes peuvent s'avérer efficaces pour limiter les contraintes musculaires locales. Toutefois, leur utilisation peut avoir des conséquences sur l'activité d'autres groupes musculaires, l'équilibre, la posture ou encore les coordinations motrices. Des incertitudes entourent leurs effets à long terme sur la santé. Par ailleurs, il existe un risque de déplacer les contraintes sur d'autres parties du corps. Les frottements peuvent générer de l'inconfort ou des irritations. Le poids des équipements peut favoriser l'augmentation des sollicitations cardiovasculaires. Ces objets technologiques sont encore souvent encombrants. Il faut donc veiller aux risques de collision, avec une tierce personne ou un élément de l'environnement. Enfin, leur utilisation peut accroître la charge mentale ou diminuer l'autonomie au travail, et donc générer des risques psychosociaux. Très tôt, il faut penser à l'intégration de l'exosquelette en situation de travail, pour qu'il soit accepté par les salariés. La phase de déploiement est cruciale et demande un suivi dans le temps.

Parce qu'elles sont face à un phénomène nouveau, les entreprises tentées par l'acquisition d'un exosquelette doivent bien comprendre les intérêts et les limites de ces technologies pour la prévention des TMS. Différents supports disponibles sur le site de l'INRS peuvent y aider. Ils éveillent l'esprit critique vis-à-vis des principales idées reçues. Par exemple, les exosquelettes ne sont pas la solution unique contre les TMS, qui résultent d'une combinaison de facteurs. Ils ne sont pas non plus forcément adaptés à tous les salariés. Le service de santé au travail peut être consulté pour identifier les éventuelles contre-indications.

Bien se préparer

Équiper ses salariés se prépare, avec une démarche allant de la définition du besoin d'assistance physique à l'intégration de l'exosquelette en situation réelle, pour garantir l'adéquation entre la solution d'assistance technique, l'opérateur et les spécificités de la tâche pour laquelle elle est envisagée. Il n'y a pas de bon exosquelette dans l'absolu. Mais il peut y avoir un bon exosquelette pour une situation donnée, tenant compte de toutes les séquences d'activité de l'opérateur et de son environnement.

C'est pourquoi il est nécessaire que l'entreprise constitue un groupe projet (direction, production, instances représentatives du personnel, service de santé au travail, préventeurs, opérateurs...), chargé notamment de l'analyse approfondie des situations de travail. Avant d'envisager l'usage d'un exosquelette comme solution de prévention, les autres pistes susceptibles de réduire la charge physique de travail doivent avoir été envisagées.

Une fois déterminées les tâches pouvant bénéficier de l'assistance physique, vient la phase d'évaluation de l'interaction entre l'exosquelette choisi et les futurs utilisateurs, qui doivent avoir été formés : appropriation, utilité, facilité d'emploi, impact sur le collectif de travail, risques pour la sécurité.

Enfin, il est important d'évaluer la mise en oeuvre en situation réelle, parfois aussi de requestionner ou réorganiser le travail. À court, moyen et long termes, s'assurer que l'équipement répond aux besoins initialement identifiés et qu'il est accepté par tous.

Le 19 novembre à 11h, la rédaction de Travail & Sécurité proposera une table ronde en ligne consacrée aux exosquelettes, leurs intérêts et leurs limites pour la prévention des TMS. Des experts et représentants d'entreprises témoigneront. Une journée technique « Exosquelettes au travail : Intérêts et limites pour la prévention des TMS ? » aura également lieu le 26 novembre prochain à la maison de la RATP, dans le 12e arrondissement de Paris.

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