Pénibilité : quelle réparation pour ceux qui sont exposés aux 4 facteurs exclus du C2P ?

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La retraite anticipée, instaurée en 2010 sous Nicolas Sarkozy, est remise au goût du jour pour le port de charges, les postures pénibles, vibrations et agents chimiques dangereux. Un salarié de 60 ans avec une maladie professionnelle reconnue et une incapacité de 10% peut demander à partir. Explications.

Manutention manuelle de charges, postures pénibles de par les positions forcées des articulations, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques dangereux, y compris les poussières et fumées : ces 4 facteurs de risques professionnels, qui étaient pris en compte dans l'ancien C3P (compte personnel de prévention de la pénibilité), ne permettent plus à ceux qui y sont fortement exposés de cumuler des points pour le nouveau C2P (compte professionnel de prévention). "C'est la fin d'une logique de prévention associée au dispositif, commente un ingénieur-conseil en prévention des risques professionnels de la CnamTS. On n'est plus que dans la réparation a posteriori, c'est un renvoi au dispositif Sarkozy de 2010 : la retraite anticipée". Et d'ajouter, résolument optimiste : "Avec tout de même certains changements pour éviter de se coincer à nouveau dans les rouages d'un mécanisme qui ne fonctionnait pas."

Lire aussi : Comment fonctionne le nouveau C2P, compte professionnel de prévention ?

Les travailleurs du privé exposés à ces 4 facteurs pourront donc, s'ils ont une maladie professionnelle (MP) reconnue, demander à bénéficier d'une retraite anticipée à taux plein. C'est bien ce qu'avait en substance annoncé Édouard Philippe en juillet dernier.

Depuis l'arrêté du 26 décembre 2017 – qui faisait défaut alors que le dispositif est censé être en vigueur depuis le 1er octobre, suite à une des ordonnances du 22 septembre qui a modifié l'article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale – on sait précisément comment cela va se passer.

Les 5 conditions pour une retraite anticipée "nouvelle formule"

♦ 1. Avoir 60 ans.

♦ 2. Avoir une pathologie.

♦ 3. Obtenir la reconnaissance de l'origine professionnelle de cette pathologie via l'un des 87 tableaux de MP listés par l'arrêté dans le cadre du dispositif (ou via l'un des 39 tableaux listés pour les professions agricoles).

Dans ce cas, il est établit que la pathologie est consécutive à l'exposition à l'un des 4 facteurs.

OU

Avoir obtenu la reconnaissance de l'origine professionnelle de cette pathologie "hors tableau". C'est possible au titre de l'alinéa 4 de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'il s'agit d'une "maladie caractérisée" pour laquelle il est établi (par un CRRMP, comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles) qu'elle est "essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime" et qu'elle a entraîné une incapacité permanente.

Dans ce cas, la CPAM (ou la MSA) devra "attest[er]" que la maladie peut être imputée à l'exposition à l'un des 4 facteurs.

♦ 4. Justifier d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 10 %.

♦ 5. Présenter la demande de retraite anticipée à son assurance maladie.

Les deux demandes – reconnaissance de maladie professionnelle et retraite anticipée – constituent bien deux moments distincts. La demande de retraite anticipée ne peut se faire qu'une fois que la maladie professionnelle est reconnue.

La retraite pénibilité existe depuis 2011. Qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qui reste ?

La retraite anticipée pour pénibilité a été instaurée sous Nicolas Sarkozy, lors de la réforme des retraites de 2010, et est en vigueur depuis le 1er juillet 2011. Le gouvernement de François Hollande n'y avait pas touché, créant juste en plus le C3P.

Pour les salariés ayant un taux d'IP entre 10 et 20 %, les conditions étaient très restrictives : il fallait justifier de 17 ans d'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, établir le fait que l'IP est directement liée à cette exposition, et faire valider le tout devant une commission pluridisciplinaire. Le dispositif reste en vigueur, en plus du C2P, pour les travailleurs exposés aux 6 facteurs qui restent dans le giron du compte (travail de nuit, posté, répétitif, en milieu hyperbare, avec des températures extrêmes, avec du bruit).

Pour ceux ayant une IP d'au moins 20 % due à une maladie professionnelle (ou à un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle), aucune condition supplémentaire n'était requise. Et pour les travailleurs dans cette situation, rien n'a changé depuis.

Fin 2013, la Cnav (caisse nationale d'assurance vieillesse) comptait environ 350 retraites pénibilité accordées par mois (sur quelque 65 000 nouvelles retraites attribuées dans le même temps), signe que peu de travailleurs ayant des travaux pénibles pouvaient en bénéficier.

Quels types de tableaux de MP ne font pas partie de la liste ?

Pour le régime général, 87 des 116 tableaux de maladies professionnelles, sont concernés par le nouveau dispositif. Les 29 qui en sont exclus, sont très majoritairement ceux qui traitent de l'exposition avec un agent infectieux, telles que la rage, les hépatites virales, le tétanos, la leptospirose. On y trouve aussi les pathologies dues aux facteurs de pénibilité qui restent pris en compte dans le C2P, telles que les lésions provoquées par des travaux hyperbares, ou les atteintes auditives dues au bruit (tableau 42).

On notera que le tableau 6 concernant les rayonnements ionisants ne fait pas partie de la liste. L'exposition aux rayonnements ionisants n'a jamais été intégrée aux facteurs de risques professionnels, en dépit d'un débat récurrent sur la question. Lors du précédent quinquennat, la loi transition énergétique exigeait, au plus tard en février 2016, que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités pour intégrer les "rayonnements ionisants subis, le cas échéant, par les travailleurs du secteur nucléaire" dans les facteurs de pénibilité. Ce travail n'a jamais été mené.

Même sort pour les rayonnements UV, qui ne sont toujours pas, eux non plus, considérés comme un facteur de pénibilité. Les salariés atteints d'affections oculaires à cause de rayonnements thermiques, éventuellement associés à des poussières (tableaux 71 et 71 bis), ne font pas partie du dispositif.

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