Les obligations de prévention qui incombent aux maires sont vastes et variées

Classé dans la catégorie : Général

Directrice Technique Prévention au sein de Point Org Sécurité, partenaire depuis plus de dix ans auprès des collectivités territoriales, Émilie Noël a pu mesurer combien les obligations qui incombent aux municipalités ne cessent de croître et de se complexifier.

Toutefois, forte de son expérience, elle estime aussi que les actions de prévention, loin de se résumer à des contraintes, peuvent représenter des opportunités de progrès global dont les effets positifs se font sentir jusque dans les domaines du management et de la gestion.

On estime souvent que les obligations incombant aux collectivités en matière de prévention des risques sont plus vastes que celles incombant aux structures privées. Est-ce exact ?

C’est exact car le maire bénéficie d’une double casquette. La première relève de son pouvoir de police. Le maire doit veiller à assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique dans sa commune. C’est rappelé dans l’article L.2212-1 du Code général des collectivités territoriales. Cette mission polyvalente le conduit à intervenir dans des domaines très divers où il est garant de la sauvegarde de sa population. Il doit, par exemple, savoir organiser ses services en cas de catastrophe comme une inondation... Par ailleurs, en tant qu’employeur, le maire se doit d’assurer la santé et la sécurité des agents territoriaux. Ce rôle spécifique et complexe incombe également à tout chef d’entreprise. La réglementation et la jurisprudence en constante évolution sont alors à connaître, à traduire et à appliquer. À l’instar du chef d’entreprise, le maire doit ainsi mener des actions de prévention, notamment en établissant un Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Enfin, en tant que gestionnaire de bâtiments et notamment d’établissements recevant du public, il doit veiller à leur bon état et à leur accessibilité. Ces obligations en matière de prévention des risques pour sa population, ses agents et son bâti sont donc vastes et variées.

Le point clé n’est-il pas que, contrairement à la plupart des entreprises privées, les collectivités territoriales ne doivent pas seulement se soucier des risques qui concernent leurs employés mais également de ceux qui concernent l’ensemble de leurs administrés ?

C’est, en effet, l’une des différences fondamentales. Elle débouche notamment sur la nécessité d’établir des plans communaux de sauvegarde. Le retour d’expérience des catastrophes passées, notamment l’explosion qui s’est produite sur le site AZF à Toulouse en 2001, a débouché sur la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 qui a renforcé le rôle du maire. En tant que Directeur des Opérations de Secours, il a autorité sur tout le dispositif de sauvegarde et de secours et est responsable des actions menées sur le territoire. Aujourd’hui, la gestion des risques majeurs s’effectue à deux niveaux. D’une part, en mettant en place des mesures de prévention pour limiter l’impact d’évènements majeurs et leur occurrence et d’autre part, en instaurant des mesures de gestion de crise. Le Plan communal de sauvegarde (PCS) par son côté opérationnel et ses exercices permet à la collectivité de s’organiser pour faire face à un évènement de grande ampleur. Il s’inscrit dans le dispositif ORSEC (ORganisation de la SEcurité Civile) établi au niveau départemental et national. Ce document obligatoire pour les communes possédant un Plan de Prévention des Risques (PPR) ou présentes dans le champ d'application d’un Plan Particulier d’Intervention (PPI) est recommandé à toutes les mairies. Tempête, inondation, transport de matières dangereuses... toutes les communes sont concernées. Ce dispositif doit, en outre, s’accompagner d’une information auprès des administrés. Une population connaissant les consignes de sécurité à respecter est une population qui sait se protéger. Certes, certaines entreprises doivent aussi raisonner de la sorte. C’est par exemple le cas des entreprises classées Seveso dont la politique de prévention des risques doit intégrer la présence de riverains, mais s’agissant des collectivités, cette manière d’appréhender les risques n’est pas l’exception : c’est la règle. Elle concerne toutes les collectivités.

Avez-vous le sentiment que les collectivités sont en mesure de faire face à ces obligations de plus en plus nombreuses et complexes ?

L’expérience m’a appris qu’il existe une infinité de situations et de facteurs à prendre en compte. Le premier est la taille de la commune. Comme c’est le cas pour les entreprises, la taille de la commune et les moyens dont elle dispose sont des facteurs déterminants. En simplifiant, plus la commune est petite, moins elle dispose en interne des moyens et des compétences nécessaires pour s’acquitter de ses obligations, d’une complexité souvent inouïe. Il faut y ajouter la prise en compte d’un grand nombre de spécificités. La situation d’une commune située en zone industrielle n’est pas la même qu’une commune située en zone rurale, de même que la présence ou non d’industrie ou de cours d’eaux modifie considérablement les facteurs de risque à prendre en compte. Pour faire face à ce défi, certaines communes se dotent en interne d’agents spécialisés ou font appel à des organismes extérieurs compétents, notamment des Intervenants en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) car une expertise technique ponctuelle est souvent indispensable.

Lorsque l’on échange avec des représentants des collectivités territoriales, ceux-ci évoquent volontiers une inflation de leurs obligations sur fond de complexification de la réglementation. Validez-vous ce diagnostic ?

Oui, c’est incontestable. Prenons simplement l’exemple de la prévention des risques. Comme nous avons pu l’évoquer, le maire est employeur, le maire est directeur des opérations de secours, le maire est gestionnaire d’établissement... À chacune de ces compétences, une réglementation spécifique et évolutive s’applique. Elle répond aussi aux attentes grandissantes et souvent justifiées de la population. À cela s’ajoute une volonté toujours plus forte de contrôler les dépenses publiques. Il s’agit alors d’être au fait de l’actualité et des nouvelles techniques pour appliquer de manière concrète, adaptée et efficace sur le terrain l’ensemble des obligations. C’est pourquoi, sur ces sujets spécifiques, le besoin de recourir à des spécialistes est grandissant.

Au-delà de la tendance de notre société à générer des normes, ne faut-il pas aussi prendre en compte l’apparition de nouveaux risques ou leur accentuation ?

Effectivement. Évoquer la judiciarisation croissante des risques ne suffit pas à rendre compte de la situation des décideurs. Il faut aussi compter avec l’apparition de risques nouveaux dans de nombreuses zones géographiques : risques naturels liés au changement climatique, risques technologiques liés à la complexité croissante de nos sociétés, risques liés à la malveillance, voire au terrorisme. Les outils en place et à disposition du Maire doivent franchir un palier. Je pense notamment au Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) et au Plan Communal de Sauvegarde (PCS). Ces deux outils clés de la gestion des risques, l’un concernant les agents, le second la population, doivent malheureusement intégrer ces risques de malveillance et d’attentat. C’est ce que nous avons fait.

Vous avez évoqué la malveillance... Ce risque est bien sûr lié aux infrastructures. Mais ne faut-il pas aussi évoquer la malveillance à l’égard des personnels ?

Tout à fait. Nous savons aujourd’hui que la fonction publique est en souffrance. La réalité du travail de fonctionnaire territorial dans le contexte actuel de réduction des effectifs, d’évolution des missions, de transfert de compétences, de pression des élus, d’alternances d’équipes politiques, d’absence de reconnaissance, voire d’augmentation des incivilités, entraîne une forte exposition aux risques psy-chosociaux (RPS). La mise en lumière de cette réalité a d’ailleurs abouti à un accord-cadre relatif à la prévention des RPS dans la fonction publique du 22 octobre 2013. Il oblige chaque employeur public à élaborer un plan d’évaluation et de prévention des RPS. À notre sens, la première étape d’une démarche de prévention passe par une phase de sensibilisation des personnels de façon à acquérir une compréhension commune des RPS et à combattre les nombreuses idées reçues dont ce sujet est porteur. La seconde étape relève du diagnostic proprement dit. Un diagnostic RPS permet de répondre à l’obligation d’identifier, d’évaluer et de prévenir les risques professionnels en vue d’établir un plan d’action adapté. Ce processus, moins lourd qu’il n’y paraît, ne permet pas seulement de s’acquitter d’une obligation légale. Il représente aussi un précieux outil d’aide à la décision permettant d’engager une démarche de progrès global dont les effets se font aussi sentir dans le domaine du management et de la gestion. Il est ainsi avéré que la prévention des RPS contribue à renforcer l’engagement des agents et à réduire significativement le turnover ou encore l’absentéisme dont chacun sait qu’il est une préoccupation majeure des collectivités territoriales.

Les derniers produits des risques professionnels

Réagissez en laissant votre commentaire !