Comment améliorer la formation des managers pour qu'ils prennent davantage en compte la QVT

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L'Anact constate que les managers ne sont pas suffisamment formés pour prendre en compte la qualité de vie au travail. Dans un livre blanc intitulé "Apprendre à manager le travail", elle présente des initiatives de formation initiale ou continue visant à mieux sensibiliser, former et accompagner les ingénieurs, managers et dirigeants.

Les modes d'organisation et de management sont "peu adaptés" aux exigences du travail contemporain et aux aspirations des individus, constate l'Anact (agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) depuis plusieurs années. Il lui a été donnée comme mission de contribuer à transformer le management afin d’améliorer la qualité de vie au travail (QVT) en agissant sur le levier de la formation. Le livre blanc qu'elle a publié le 25 septembre 2017 y participe. Réalisé à partir d'auditions d'étudiants, de managers, de DRH, de professeurs d'université ou encore de formateurs, le document, après avoir constaté les carences en formation des managers, présente des initiatives déjà existantes, visant à mieux sensibiliser, former, et accompagner les ingénieurs, managers et dirigeants, et en tire des recommandations.

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Le management du travail selon l'Anact

Le management du travail est une approche qui "recentre l’activité du manager sur le travail de ses collaborateurs et les enjeux de soutien à la réalisation de l’activité et de régulation managériale", selon l'Anact. Trois points le caractérisent :

  • des pratiques de management participatives fondées sur l’existence d’espaces de discussion et de régulation sur le travail ;
  • une organisation du travail favorisant l’autonomie et la prise d’initiatives dans un cadre sécurisé, un dialogue social basé sur la concertation et centré sur le travail ;
  • des modes de gouvernance et des processus de gestion basés sur le principe de subsidiarité.

Au-delà d’une évolution des compétences managériales, "c’est l’ensemble des modes de fonctionnement de l’entreprise - ses modes de gouvernance, d’organisation du travail – qu’il s’agit de faire évoluer", estime l'Anact.

Sur le plan pédagogique, il s’agit de favoriser le retour d’expériences, d’aider les managers à regarder différemment le travail en passant d’une posture de "contrôle" à une posture de "facilitateur" et surtout d’initier des expérimentations inspirées par le modèle du management du travail.

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Même si les auditions révèlent une prise de conscience progressive que la QVT passe par l'activité managériale, elles montrent aussi "la persistance fréquente", notamment chez les dirigeants, "d’une vision dissociée des enjeux économiques, d’une part, et sociaux, d’autre part."

D'après l'Anact, les entreprises sont convaincues que le management est avant tout une affaire de personnalité, de talent personnel, ou encore de leadership. Conséquence : la réalité de l’activité quotidienne du manager n'est pas vraiment questionnée. Il faut dire que beaucoup des managers interrogés ont appris "sur le tas", après avoir été promus pour des postes de management le plus souvent à partir de leur expertise technique ou de leur niveau de diplôme.

Des besoins de formation ressentis

Pour autant, de ces entretiens ressortent des attentes de savoir-faire managériaux intégrant la QVT, notamment de la part des étudiants, mais aussi de managers déjà en poste. Parmi ces compétences attendues : accompagner les changements organisationnels en apprenant à associer le plus en amont possible les personnes concernées à la construction des nouveaux dispositifs de travail, soutenir les points d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, en apprenant à réguler la charge de travail sur un plan collectif et individuel, à collaborer à distance et à respecter le droit à la déconnexion, ou encore, contribuer au développement des personnes en apprenant à prêter attention aux signaux faibles.

Côté entreprises : une attente d’une formation initiale plus axée sur les "soft skills" (agilité, adaptabilité…) est aussi observée. L'Anact distingue les grandes entreprises qui ont les moyens de compléter la formation pour les jeunes cadres qui vont occuper très vite des postes de management, et les petites entreprises qui sont plus en attente de compétences managériales immédiatement mobilisables, dès l’embauche.

Mais encore de gros manques dans le cursus initial

Mais ces besoins ne sont pas suffisamment pris en compte par les entreprises et les écoles d'où sortent les futurs managers. Dans les écoles d'ingénieurs, les programmes relatifs à la compréhension de la dimension humaine et collective des organisations et des conditions du travail, ainsi que la conduite des changements et des équipes, représentent une très faible part des cursus. Michel Sonntag, professeur émérite à l'Université Strasbourg et ex-président du réseau Ingénium, cité dans le livre blanc, explique : "La formation d’ingénieur, profondément ancrée dans le rationalisme technocratique, est marquée par la croyance que le progrès repose essentiellement sur les sciences et techniques et induit l’idée que pour le management des hommes, il suffirait d’organiser rationnellement les relations hiérarchiques et professionnelles pour éviter les difficultés et assurer l’efficacité du travail des équipes et la bonne marche de l’organisation du travail".

L'Anact observe bien des cours optionnels sur l’excellence opérationnelle (avec le lean), sur certains risques professionnels dans des filières de spécialité considérées comme dangereuses (BTP, chimie, énergie, électricité…), sur la santé et sécurité au travail sont parfois proposés, mais que, "là encore il n’y a pas de sensibilisation, par exemple, aux risques psychosociaux".

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Côté écoles de commerce, IAE, cursus universitaires etc. aussi, l'Anact observe des lacunes. "la majorité des écoles ont aujourd’hui une offre très limitée concernant le management des équipes, les conditions de travail, les différents modes organisationnels, les indicateurs de performance sociale, le dialogue social", résume-t-elle. Enfin, la formation continue des managers n'est pas non plus satisfaisante selon l'Anact.

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Mobiliser stages et sciences humaines

L'agence reconnaît toutefois une "dynamique" déjà enclenchée. De ces bonnes initiatives (création d'une chaire bien être au travail à la Kedge Business School, d'un cours de QVT à l'IAE de Saint-Etienne, ou la demande de rapports d'étonnement aux étudiants de Polytech Tours après leurs stages par exemple), elle tire des recommandations. Concernant le cursus initial des ingénieurs, elle aimerait qu'un débat sur le métier d'ingénieur s'ouvre, et recommande, entre autres, de mobiliser les stages, projets et alternances comme leviers de connaissance sur l’organisation, de mobiliser les savoirs des sciences humaines et sociales, d'initier à l’ergonomie, ou encore, de susciter le réflexe conditions de travail dans les projets techniques.

Côté formation initiale de managers, l'Anact recommande d'abord d'identifier les besoins en compétences avec les entreprises, puis de renforcer les fondamentaux en sciences humaines et sociales, notamment apprendre à piloter la performance à partir de la réalité de l’activité, mais aussi apprendre à observer et analyser le travail réel, développer des thématiques risques psychosociaux, qualité de vie ou bien-être au travail et sensibiliser aux risques psychosociaux.

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