Cotisations AT-MP, syndicats : les plateformes collaboratives bientôt dotées d'une responsabilité sociale

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Deliveroo, Uber, Foodora... L'explosion des plateformes numériques a contraint la loi à responsabiliser leurs gestionnaires. Au 1er janvier 2018, un nouveau cadre imposera un minimum de protection des travailleurs. Une circulaire interministérielle vient d'être publiée.

Les travailleurs indépendants des plateformes numériques collaboratives bénéficieront bientôt de droits sociaux minimums. L'article 60 de la loi El Khomri de 2016 impose des obligations sociales pour ces plateformes lorsqu'elles déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et qu'elles en fixent le prix. Si elle répond à ces critères, la plateforme a une responsabilité sociale à l'égard des travailleurs indépendants qui y recourent. Un décret publié le 4 mai 2017 complète la loi.

Une circulaire interministérielle – ministère des solidarités et de la santé et du ministère du travail – explique plus en détails le nouveau dispositif.

Qu'est-ce qu'une plateforme collaborative ?

Il s'agit d'une entreprise, quel que soit son lieu d'établissement, qui met en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service (article 242 bis du code général des impôts).

Une contribution en matière d'accidents du travail et de formation

La plateforme devra prendre en charge la cotisation d'assurance accidents du travail et maladie professionnelle (AT-MP) des travailleurs indépendants (article L. 7342-2 du code du travail). Cette prise en charge concerne le cas ou le travailleur souscrit une assurance couvrant le risque d'accidents du travail ou adhère à une assurance volontaire en matière d'accidents du travail. Le travailleur versera dans un premier temps la cotisation volontaire, puis en demandera le remboursement à la plateforme.
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De la même manière, les entreprises gestionnaires de plateforme collaboratives sont tenues d'assurer à leurs travailleurs réguliers un remboursement de certains frais liés à la formation professionnelle (article L. 7342-3 du code du travail). Ils doivent ainsi contribuer à la formation professionnelle continue (95 € en moyenne par travailleur, selon la circulaire) et aux frais d'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience (dans une limite de 3% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 1 176,84 € en 2017). Des garanties qui s'ajoutent, comme le rappelle la circulaire, à la possibilité pour les travailleurs indépendants d'obtenir une prise en charge par les fonds d'assurance formation de non-salariés dont ils dépendent.

La prise en charge conditionnée à un seuil

La prise en charge financière des droits sociaux (formation et AT-MP) n'est applicable qu'aux travailleurs ayant réalisé sur la plateforme un chiffre d'affaire supérieur à 13% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 5 099,64 € en 2017. Il arrive qu'en application de cette règle, plusieurs plateformes doivent prendre en charge la cotisation du travailleur. Dans ce cas, la circulaire explique que chaque plateforme rembourse au prorata de la part de chiffre d'affaires réalisé par le travailleur par son intermédiaire.

La circulaire illustre ces règles grâce à un exemple :

Exemple d'une prise en charge par plusieurs plateformes
Le cas Qui paye quoi ?

Un coursier à vélo a souscrit l’assurance volontaire AT-MP.

Il exerce son activité auprès de deux plateformes, pour un chiffre d'affaire total de 11 500 euros :

  • pour la plateforme A, il réalise un chiffre d’affaire de 6 000 euros,
  • pour la plateforme B, il réalise un chiffre d'affaire de 5 500 euros.

La participation de la plateforme A à la prise en charge de la cotisation volontaire sera de 52% et celle de la plateforme B sera de 48%.

Ainsi, pour une cotisation annuelle versée par le travailleur à hauteur de 586 euros :

  • la plateforme A remboursera à ce dernier 306 euros (52% de 586 euros ),
  • la plateforme B, 280 euros (48% de 586 euros).

Permettre aux travailleurs de se défendre

La loi travail de 2016 accorde une forme de "droit de grève" aux travailleurs indépendants exerçant via ces plateformes collaboratives. Les mouvements collectifs "de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs [...] en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l'exercice de leur activité" (article L. 7342-5 du code du travail). La circulaire précise que ces mouvements ne sont pas réservés aux organisations syndicales, ni soumis à une procédure déclarative particulière.

Ces travailleurs ont également le droit de constituer une organisation syndicale, d'y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs (article L. 7342-6 du code du travail). Les règles sont les mêmes que pour constituer une section syndicale dans une entreprise. Le syndicat peut défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres si :

  • il est affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;
  • ou s'il satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, s'il est légalement constituée depuis au moins deux ans et si son champ professionnel et géographique couvre la plateforme concernée.

La circulaire souligne que les dispositions relatives aux mouvements collectifs et à la représentation syndicale ne nécessitent pas de décret d'application, et sont donc entrés en vigueur le 10 août 2016.

 

 

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