Le Compte Pénibilité devient Compte Prévention

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Le Premier ministre a envoyé, le 8 juillet dernier, une lettre aux partenaires sociaux précisant les intentions de son gouvernement à propos du Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité.

Conformément au souhait d’Emmanuel Macron, qui avait déclaré durant la campagne ne pas apprécier le terme de “pénibilité” parce qu’il associait le travail à une “douleur”, ce compte sera désormais renommé en “Compte de prévention”. Mais, au-delà, de ce recadrage sémantique, les mesures annoncées sont loin de représenter un quelconque bouleversement.

S’il fallait une preuve que la réforme annoncée ne constitue pas une révolution, elle a été apportée par les premières réactions des partenaires sociaux. En effet, tandis que le Medef saluait sobrement “une décision pragmatique” tout en déclarant rester “vigilant”, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, très attaché à cette réforme du quinquennat Hollande, n’a pas caché son soulagement. “Il y a une bonne nouvelle, il faut le dire. Pour les salariés concernés, il y a toujours une prise en compte de la pénibilité au travail, avec de la réparation”, s’est-il réjoui au micro de RTL (1).

Un changement essentiellement sémantique

Le leader de la CFDT se félicite particulièrement que “pour 6 critères de pénibilité, ce compte se maintient exactement comme il était prévu”. De fait, le projet dévoilé par Édouard Philippe prévoit que les obligations déclaratives des employeurs seront maintenues pour 6 facteurs de risques professionnels sur les 10 initialement prévus : les activités exercées en milieu hyperbare, les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, et le travail répétitif.

En revanche, les 4 autres facteurs de risques professionnels (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) sortiront du compte à points. Mais cela ne signifie nullement qu’ils sortent du champ de la prévention et de la réparation. Ancien conseiller social de François Hollande, Michel Yahiel, ne s’y est pas trompé : “Ce n'est pas une suppression. Il y a quatre critères qui seront traités différemment. On relèvera d'un système plutôt médicalisé où, en fonction du risque que vous avez encouru, vous bénéficierez de points. C'est un retour à ce qui existait en 2010, en plus favorable”, a-t-il décrypté sur France Info (2).

Maintien de la nécessité d'évaluation et de prévention

De fait, pour ces quatre facteurs de risques, il s’agit en fait d’un quasi-retour aux dispositions de la loi de 2010 portant réforme des retraites, adoptée sous le gouvernement Fillon : leur prise en compte pour un départ anticipé à la retraite sera soumise à la reconnaissance d’une maladie professionnelle avec une incapacité de plus de 10 %. Mais comment les prendre en compte, ou bien les contester, si on ne dispose pas, année après année, d’une évaluation rigoureuse ? La suppression des obligations déclaratives les concernant ne signifie pas, loin de là, qu’il faudra cesser de les évaluer et d’en assurer la prévention.

En clair, l’employeur devra continuer à évaluer la situation de ses travailleurs au regard de ces facteurs de risques avec le plus grand soin et conserver les résultats de ses évaluations annuelles de façon à pouvoir faire face, le cas échéant, au contentieux qui ne manquera pas de se développer lorsque ses salariés feront valoir leurs droits à la retraite.

Un financement désormais indirect

Quant au financement du compte, il pèsera toujours sur les employeurs, mais désormais de façon indirecte via les cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles. Du fait de la situation excédentaire de la branche ATMP depuis 2013, cela sera indolore dans un premier temps... et les augmentations ultérieures de cotisations seront noyées dans celles de la branche ATMP. Comme le proclamait l’écrivain italien Lampedusa, “il faut que tout change pour que rien ne change”.

  1. RTL, 10/07/17.
  2. France Info, 10/07/17

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